
Où atterrir ? est une expérimentation artistique, scientifique et politique
qui propose a des citoyen·nes, des agent·es de la fonction publique et des élu·es de mener l'enquête sur leur terrain de vie à partir de leurs attachements : ce à quoi ils tiennent et qui les fait tenir.
Carnet d'atterrissage
Le Collectif Rivage, créé à Bordeaux en 2020, réunit des artistes et des scientifiques.
Carnet d'atterrissage
A la manière d'un carnet de bord, l'équipe du Collectif Rivage a documenté le bourgeonnement de l'expérimentation "Où atterrir ?" entre 2021 et 2023.

Atelier 16
Redéfinir le territoire à partir des relations de subsistance
Où atterrir ? est une expérimentation artistique, scientifique et politique
qui propose a des citoyen·nes, des agent·es de la fonction publique et des élu·es de mener l'enquête sur leur terrain de vie à partir de leurs attachements : ce à quoi ils tiennent et qui les fait tenir.
La démarche associe les pratiques artistiques et cartographiques aux méthodes d'enquêtes pour redéfinir le territoire à partir des dépendances et revitaliser le cercle politique dans un contexte de mutation climatique.
1 — accueil convivial des participant.es
> 15 min avec toute l’équipe
Autour d’une boisson avec des biscuits ou des fruits pendant lequel on échange et on se met à l’aise avant de commencer l’atelier.
2 — cercle des prénoms
> 3 min animé par Maëliss Le Bricon
+ Une première personne sonorise son prénom avec un geste.
+ Tout le monde reprend, en même temps et le plus précisément possible, le geste et le prénom de la première personne.
+ On recommence pour chacun.e jusqu’à boucler le cercle des prénoms.

3 — présentation du déroulé de l’atelier
> 5 min animé par Maëliss Le Bricon
4 — questionnaire et cartographie
> 1h animé par Maëliss Le Bricon, Loïc Chabrier, Séverine Lefèvre et Marion Albert
On forme 2 groupes avec d’un côté les citoyen.nes-expert.es et d’un autre les nouveaux.elles participant.es qui viennent découvrir la restitution de l’expérimentation.
+ Les citoyen.nes-expert.es terminent de cartographier leur enquête sur la boussole (voir atelier 15) avec Loïc, Séverine et Marion.
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Ils/elles tracent leur terrain de vie en suivant le périmètre actuel de la sommes des entités positionnées sur la boussole.
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Ils/elles annotent pour chaque entité son degré de visibilité sur l’Atlas : privé, interne ou public.
+ Pendant ce temps, les nouveaux.elles participant.es suivent une présentation de l’expérimentation (voir accordéon de l’atelier 1) avec Maëliss.
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Ils/elles remplissent le questionnaire n°1 (voir atelier 11) pour définir un concernement.
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Les participant.es partagent les deux premières réponses du questionnaire. L’artiste-médiateur.rice les accompagne dans le processus de dépliage pour préciser la définition du concernement.



5 — regard périphérique
> 10 min animé par Maëliss Le Bricon
+ On tend les bras devant soi, puis on les éloigne l’un de l’autre, aux limites de notre champ de vision, en essayant de toujours les voir sans bouger la tête : on réveille sa vision périphérique.
+ On marche dans l’espace et on ne laisse aucun vide. En avant puis en marche arrière, et de nouveau en avant. On choisit une personne que l’on garde dans notre champ de vision, sans qu’elle s’en rende compte, c’est un secret.
+ On reprend la marche dans l’espace, on essaie de faire varier les tempos : on peut ralentir / accélérer / s’immobiliser, tout en gardant secrètement la personne choisie dans notre champ de vision.
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On choisit une seconde personne et on la garde également dans notre champ de vision.
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On se rapproche de l’une, puis de l’autre sans qu’elles s’en rendent compte.
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On essaye de se placer à égale distance des deux personnes tout en les gardant simultanément dans notre champ de vision.
+ On se réajuste jusqu’à ce que le groupe trouve une position d’immobilité.
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A mon clap, on pointe du doigt les deux personnes choisies.
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On ferme les yeux, on lâche les bras le long du corps et à voix haute, on va dire combien de personnes il y avait dans notre champ de vision.
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Puis tout doucement on rouvre les yeux. On peut alors compter le nombre de personnes dans notre champ de vision.
Les objectifs de l’exercice :
Constituer un groupe qui s’écoutent et jouent ensemble, cultiver un état de corps disponible qui a la sensation de l’espace tout autour de lui et non seulement devant lui dans la vision d’un spectateur extérieur. Chacune ressent sa situation de l’intérieur d’une croisée de trajectoires complexes à suivre.





6 — tracer le paysage terrestre
> 20 min animé par Maëliss Le Bricon
+ A ce stade de l’enquête, tous.tes les citoyen.nes-expert.es ont tracé leur terrain de vie à partir de la somme des attachements et dépendances (positives et négatives) de leur territoire. Ils/elles gardent en mémoire cette forme, “cette signature unique” avec laquelle ils/elles peuvent désormais se présenter.
+ Tous.tes les participant.es et les citoyen.nes-expert.es se placent au bord du plateau.
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Une première personne se positionne sur la plateau et énonce son concernement.
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Tous.tes les participant.es qui se sentent concerné.es par ce concernement entrent sur le plateau et se positionnent par rapport au/à la citoyen.ne-expert.e. Plus ils/elles se sentent concerné.es, plus ils/elles se rapprochent.
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Les participant.es présent.es sur le plateau énoncent à leur tour leur concernement. La carte se met à bouger, les terrains de vie s’ajustent les uns aux autres, ils sont vivants.
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Une fois que tous.tes les participant.es se sont placé.es, chacun.e trace au sol son terrain de vie avec son concernement.
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La carte générale qui se dessine trait par trait révèle des relations enchevêtrées, difficiles à démêler tant elles sont intriquées les unes dans les autres. La représentation finale évoque la carte de la planète terrestre dessinée par Alexandra Arènes dans le planétarium des 7 planètes proposé par Bruno Latour (voir dessin).
7 — pause déjeuner
> 1h30
Les participant.es et l’équipe piquent-niquent ensemble au jardin secret du Carré-Colonnes.






8 — bourgeonner avec les participant.es
+ Les participant.es peuvent compléter une carte de la région Sud-Ouest pour proposer des bourgeonnements à créer avec l’équipe du Collectif Rivage.
9 — partage des paysages sonores et des récits d’enquête
> 3h animé par Clément Bernardeau, Séverine Lefèvre et Maëliss Le Bricon
+ On écoute chaque récit paysage sonore réalisé avec Clément Bernardeau au printemps.
+ Les citoyen.nes-expert.es ont le choix de proposer une écoute immobile ou en mouvement.
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Le/la citoyen.ne-expert.e propose un espace d’écoute
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Ou le/la citoyen.ne-expert.e se place en leader et le reste du groupe en ombre. Il/elle propose d’accompagner l’écoute de mouvements qui sont repris par les autres participant.es. On entre dans le terrain de vie du/de la citoyen.ne-expert.e par le geste.



10 — rituel de fin
> 10 min animé par Maëliss Le Bricon et Loïc Chabrier
« Mais qui vous a dit que les terrestres ne cherchent pas eux aussi à prospérer ? Qui vous dit que nous ne voulons pas, nous aussi, être libres, enfin libres de sortir du lieu où vous avez prétendu nous confiner? Si nous, les humains industrialisés, partageons quelque chose avec Gaïa, ce n’est pas la nature, mais l'artifice, la capacité d'inventer, la capacité de ne pas obéir à d'autres lois qu'à celles que nous nous sommes faites. C'est par la technique, étrangement, que l’on capte le mieux cette puissance inventive, dispersée, modeste, oui modeste, de Gaïa. Terre n'est pas verte, elle n'est pas primitive, elle n'est pas intacte, elle n'est pas « naturelle ». Mais artificielle de part en part. On se sent vibrer avec elle en ville aussi bien qu'à la campagne, dans un laboratoire aussi bien que dans la jungle. Rien dans les conditions de départ ne rendait nécessaire, inévitable son extension. Rien dans les conditions actuelles ne rend nécessaire, inévitable sa continuation. C’est dans chaque innovation, dans le détail de chaque organisation, de chaque machine, de chaque dispositif que se révèle le mieux l'intensité de Terre. Les formes de vie pendant des éons n'ont tourné à leur profit que quelques-unes seulement des conditions de départ. L'industrie des humains continue ce processus, en mobilisant de plus en plus de combinaisons d’atomes, en descendant de plus en plus loin dans le tableau de Mendeleïev. Ce n'est pas ce qui fait d'elle une ennemie, bien au contraire. L'innovation et l'artifice, mais c’est de cela que le monde est fait. L'injustice, le crime viennent de l'insouciance qui fait croire que l’on peut ignorer les limites, mais pas d'apprendre à les tourner, car, cela, les bactéries, les lichens, les plantes, les arbres, les forêts, les fourmis, les babouins, les loups, et même les poulpes amis de Vinciane Despret l'ont su tout aussi bien. (...)
Où est le mal alors qui a paralysé les capacités d'invention en les orientant dans une seule direction hors sol ? Mais dans cette étrange perversion qui prétend orienter l'invention vers un seul but en dépassant les limites pour se projeter hors de ce monde au lieu de les tourner, ou, plus pervers encore, qui prétend instaurer le paradis sur terre. Deux formes, l'une pseudo-religieuse de sortie du monde, l’autre pseudo séculière, de vouloir l’introduire sur terre. C'est le terrible avertissement d'Ivan Illich : « La corruption du meilleur engendre le pire. » Ce n'est pas ainsi que Gaïa s'est étendue, prolongée, compliquée, instituée. C'est parce qu'elle ne cherchait aucun but qu'elle a fini par s'autoréguler partiellement. Elle s'évase, elle se disperse, elle s'égaille. En nous forçant à aller de l'avant, en rêvant de devenir des post-humains, en imaginant que nous allons vivre « comme des dieux », ne voyez-vous pas que vous nous privez de la seule puissance de réorientation qui soit : tâtonner, essayer, revenir sur nos échecs, explorer? Dans l’ancien monde, cela avait peut-être un sens d'aller de l'avant, de cheminer vers un point oméga, mais si nous avons basculé dans le nouveau, revenu à l’intérieur des conditions d'existence dont nous sommes obligés de ravauder les restes, alors le mouvement le plus important c’est de pouvoir nous égailler dans toutes les directions. Si seulement nous en avions le temps.
Voilà, vous avez atterri, vous vous êtes crashés, vous vous extrayez de ground zero, vous avancez masqués, c'est à peine si on l'entend votre voix : comme celle de Gregor, comme la mienne, c'est une sorte de borborygme. « Où suis-je »? Que faire? Aller droit, comme le conseillait Descartes à ceux qui sont perdus dans une forêt? Mais non, vous devez vous disperser au maximum, en éventail, pour explorer toutes les capacités de survie, pour conspirer, autant que possible, avec les puissances d'agir qui ont rendu habitables les lieux où vous avez atterri. Sous la voûte du ciel, redevenue pesante, d’autres humains mêlés à d'autres matières forment d’autres peuples avec d'autres vivants. Ils s'émancipent enfin. Ils se déconfinent. Ils se métamorphosent.”
“Où suis-je ? Leçons du confinement à l’usage des terrestres”, Bruno Latour, p. 163-165.