Où atterrir ? est une expérimentation artistique, scientifique et politique
qui propose a des citoyen·nes, des agent·es de la fonction publique et des élu·es de mener l'enquête sur leur terrain de vie à partir de leurs attachements : ce à quoi ils tiennent et qui les fait tenir.
Carnet d'atterrissage
Le Collectif Rivage, créé à Bordeaux en 2020, réunit des artistes et des scientifiques.
Carnet d'atterrissage
A la manière d'un carnet de bord, l'équipe du Collectif Rivage a documenté le bourgeonnement de l'expérimentation "Où atterrir ?" entre 2021 et 2023.
Atelier 4
L'enquête comme pusisance d'agir
Où atterrir ? est une expérimentation artistique, scientifique et politique
qui propose a des citoyen·nes, des agent·es de la fonction publique et des élu·es de mener l'enquête sur leur terrain de vie à partir de leurs attachements : ce à quoi ils tiennent et qui les fait tenir.
La démarche associe les pratiques artistiques et cartographiques aux méthodes d'enquêtes pour redéfinir le territoire à partir des dépendances et revitaliser le cercle politique dans un contexte de mutation climatique.
1 — accueil convivial des participant.es
> 15 min avec toute l’équipe
Autour d’une boisson avec des biscuits ou des fruits pendant lequel on échange et on se met à l’aise avant de commencer l’atelier.
3 — cercle des prénoms
> 3 min animé par Maëliss Le Bricon
Chacun.e donne son prénom avec un geste et un son à tour de rôle. Comme c’est un atelier commun et que nous sommes presque 40 personnes, tous.tes les participant.es ne reprennent pas le geste-son à chaque fois.
3 — présentation du programme de l’atelier
> 5 min animé par Maëliss Le Bricon et Chloé Latour
On retire nos chaussures, on laisse toutes nos affaires au bord du plateau et on vient s’asseoir sur les chaises en cercle autour de la boussole tracée au sol. Les membres de l’équipe et les participant.es sont mélangé.es.
L’atelier se déroule sur un week-end pendant lequel nous avons la chance d’accueillir Chloé Latour parmi nous, et de bénéficier de la présence de Bruno Latour et Vinciane Despret en distanciel. Ce que nous allons explorer pendant ce week-end :
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aller plus loin et affiner le travail d’auto-description
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s’outiller pour enquêter avec d’autres êtres et collecter des données auprès de personnes ressources
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revitaliser le cercle politique au moyen de la doléance
4 — réveil du corps et de l’espace
> 20 min animé par Valérie Philippin
On commence par s’étirer sur place, en fonction des gestes dont chacun.e a besoin. Puis on marche dans l’espace, on occupe toute la pièce en ayant conscience qu’on fabrique un mouvement dans la salle.
+ On peut varier les rythmes, on peut tourner, marcher de côté, aller en arrière, en essayant de ne pas se rentrer dedans. On explore les différentes vitesses, lente et rapide.
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On respire et on brasse l’air que l’on sent sur toute notre peau, tout notre corps. On profite de l’air pour accompagner chaque mouvement.
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On accélère la marche, pour certains jusqu’à la course.
On continue d’observer et d’écouter pour ne pas se faire mal.
+ On revient à une marche tranquille, puis on va porter notre attention sur nos plantes de nos pieds.
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On imagine que nos plantes de pieds sont des paumes de pieds. Elles sont aussi savantes, sensibles, pour sentir, toucher, palper tout un tas d’informations. On imagine que ce sont des mains qui pressent le sol, en pouvant évaluer la résistance, la texture, la matière du sol.
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On peut caresser le sol et sentir la capacité de nos pieds à goûter un mouvement de caresse, affectueux, avec toute la plante, comme si c’était nos mains sur nos bras : aussi agréable. On continue à regarder autour de nous.
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On tapote avec nos plantes de pieds, comme si on voulait aplatir une pâte brisée, mais sans la casser, bien la répartir en surface.
+ Et on revient à marcher tranquillement, toujours avec la sensation de marcher sur nos paumes de pieds. On ouvre le regard périphérique :
ce regard qui permet d’englober tout ce que votre vision peut percevoir.
Si je zoome, je regarde quelqu’un, un objet, je regarde loin ou près, tandis que le regard périphérique va ouvrir en grande focale, c’est le grand écran.
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Tout en marchant, on continue à percevoir tout l’espace et les mouvements qui sont en train de s’y produire, et on porte notre attention sur le plafond. Quand on avance, l’image fuit en haut de notre grand écran. On observe simplement les lignes, les points lumineux, les matières, les formes.
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Ensuite, on porte notre attention en nous déplaçant en arrière, et on observe comment l’image rentre dans l’écran. Quand on repasse en avant, l’image sort de l’écran : c’est un flux continu.
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En marchant, on observe ce qui se passe à droite de notre grand écran : toutes les informations que notre regard peut capter. Les couleurs, les mouvements, les variations de la lumière : lumières électriques, ou lumières du jour.
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On regarde à gauche de notre écran : qu’est-ce qui me frappe le plus, tout de suite ? Un détail, un mouvement, une forme, une profondeur ?
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Et en bas de notre grand écran, sans aller regarder avec notre regard, simplement aller avec l’attention se promener, cueillir et recueillir des informations, des sensations.
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On revient à l’écran plein, et en circulant, on fait la somme de toutes les couleurs qui s’approchent du rouge (sans regarder ni pointer, juste faire la somme instantanément). Ou alors, on goûte toutes les variations de lumières :
d’où vient la lumière du jour ? La lumière électrique ? Comment la lumière du jour et la lumière électrique se rencontrent ? S’opposent ? Se tissent ? Se confondent ? On va chercher des informations sur toutes les sources lumineuses et leur façon de diffuser.
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Et maintenant, on porte notre attention sur les volumes. Quel est le plus petit volume que je perçois ? Le plus grand ? Celui qui prend le plus de place ?
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On observe toutes les profondeurs. Jusqu’où peut aller mon attention dans cet espace ? Quel est le point le plus éloigné de moi ? Et comment on circule, ça change tout le temps, ça nous oblige à être à l’affût.
+ Et maintenant simplement, on se promène en avant, en arrière, notre attention va goûter la chorégraphie de nos propres corps.
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On prend le temps de percevoir comment les corps se déplacent, déplacent l’air, quelles sont les combinaisons de vitesse, d’intensité peut-être, de grand pas, de petit pas, ça tourne, ça va en arrière, ça se croise, ça s’éloigne.
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On peut s’amuser à composer avec ce que l’on perçoit : une danse, une chorégraphie. On écrit une chorale de corps. En ayant conscience de tout ce qu’on perçoit dans notre grand écran dans lequel on s’inscrit.
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Et en même temps maintenant, on sort nos antennes et on essaye de sentir ce qu’il se passe dans notre dos.
Écoute de peau : notre peau et notre corps sont à l’écoute. On sait ce qui se passe devant, sur le côté, autour, derrière, en haut, en bas.
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Et maintenant, on va passer du regard périphérique à l’écoute périphérique. On fait la même chose, sauf que ce ne sont plus nos yeux qui nous guident, mais nos oreilles : on écoute les sons que nous fabriquons avec cette chorégraphie, et on joue avec.
Présentation extraite de la conférence de Bruno
Latour pendant le projet-pilote mené avec le consortium "Où atterrir 2019-2021.
5 — geste-chant
> 40 min animé par Valérie Philippin
+ Nous revenons en cercle, et on imagine que notre corps est un grand ballon. On vient de brasser plein d’air, maintenant on va faire rentrer l’air à l’intérieur du corps.
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A chaque fois que l’on inspire, on peut élargir, gonfler le ballon de notre corps, ça ne va pas seulement dans les poumons, l’air va jusqu’au bout des pieds, des mains, des cheveux, partout. On prend donc de grandes inspirations, et on lâche. On peut reculer un peu si on a besoin de plus de place.
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Quand on expire, on continue de se remplir : en prenant de l’air, on prend de l’oxygène qui nourrit nos muscles, nos énergies, nos nerfs, nos émotions. On se remplit et on expire, c'est une détente pour l’inspiration, pour notre système respiratoire. Il n’y a que des portes grandes ouvertes dans le corps : comme le personnage de bibendum. On regarde aussi ce que ça fait sur le corps des autres.
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On reste un temps debout, on ferme les yeux, et on goûte ce que ça fait d’être devenu.e un gros ballon plein d’air. Comme on s’est rempli.e d’air mais aussi d’énergie, peut-être qu’on sent des picotements au bout des doigts, au bout des pieds, dans tout le corps. On ouvre les yeux.
+ Je vais maintenant inspirer et passer un geste-souffle à mon/ma voisin.e qui va à son tour passer un geste-souffle jusqu’à boucler le cercle.
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Le geste-souffle fait le tour du cercle, chacun.e se le passe de proche en proche. A la fin du cercle, l’artiste-médiatrice récupère le geste-souffle, et l’envoie au centre du cercle.
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On fait la même chose, en partant dans l’autre sens et cette fois-ci avec un geste-son. On n’oublie pas d’inspirer quand on reçoit le geste-son. Le geste-son fait le tour du cercle. A la fin, l’artiste-médiatrice le récupère, et le met dans sa poche, bien au chaud.
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On recommence dans l’autre sens : cette fois on propose une forme chantée, qui ne doit jamais s’arrêter. Chanter : chacun.e fait ce qu’il veut là où il est. L’idée est qu’on attrape le son de l’autre, on peut tuiler, de façon à ce que la phrase ne s’arrête jamais, elle ne doit pas tomber. On prend notre temps, on peut faire une phrase plus ou moins longue, que l’on peut développer si on le sent avec des silences si besoin. L’idée, c’est qu’entre deux personnes, il y ait toujours un tuilage. Le chant fait le tour du cercle, et l’artiste-médiatrice le récupère à la fin du cercle.
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Maintenant, on va faire la même chose, mais les yeux fermés.
6 — composition vocale collective
> 20 min animé par Valérie Philippin
On forme des groupes de 4 ou 6 personnes et on se place au centre du groupe, dos à dos, épaules contre épaules, les yeux fermés. On commence une conversation en langage imaginaire qui va aller vers le chant. Pendant ce temps, les autres écoutent les yeux fermés, et sont silencieux.ses, pour profiter pleinement.
La composition se termine d’elle-même, sans que l’artiste-médiatrice intervienne.
Texte extrait du rapport d'activité du projet-pilote mené par le Consortium "Où atterrir ?" dirigé par Bruno Latour en 2019-2021.
7. 8. 9 : Extrait du rapport d'activité du projet-pilote mené par le Consortium "Où atterrir ?" dirigé par Bruno Latour en 2019-2021.
Ces exercices ont été proposé et animé par Chloé Latour de S-Composition et sont issus des pratiques de SITI Compagnie
5 — mener l’enquête
> 1h d’échanges sur l’enquête avec Bruno Latour et Vinciane Despret animé par Chloé Latour
Bruno Latour : “Ce qui nous intéresse dans l’enquête ce n’est évidemment pas que chacun d’entre vous deviennent ethnologue, sociologue, économiste, anthropologue de la situation que chacun de vous a commencé à explorer.
C’est pourquoi “enquête”, on utilise aussi le mot de collecte, c’est simplement dans l’idée très simple qu’il faut pouvoir, en tâtonnant, repérer les connexions : celles dont on ne se doutait pas qu’elles étaient si proches, celles dont on ne se doutait pas qu’elles étaient si contradictoires, si controversées, si dangereuses même parfois. Donc c’est plutôt une espèce de cartographie, un peu, même grossière, des enjeux du sujet que vous êtes en train d’explorer.
On n’est pas du tout, et c’est pour ça l’originalité de la procédure dans laquelle vous êtes, ce ne sont pas des spécialistes des sciences sociales ou des géographies qui vous étudient, vous. C’est pour ça que c’est tout à fait différent de la pratique habituelle de l’enquête en sciences sociales, c'est une enquête inversée en quelque sorte, c'est-à-dire que c’est tout le but de l’opération de “Où atterrir ?”, c’est des praticiens, ce que nous appelons des citoyens experts, qui d’eux mêmes commencent à tâter les différentes sources d’information qui permettraient de définir leur souci, leur caillou de façon plus précise. Pourquoi ? Parce qu’à chaque fois que l’on repère un nouvel élément, disons qui devient plus précis dans la description qu’on se donne de son sujet de préoccupation, on se donne des capacités d’agir.
Je prends un exemple dans un des sujets de vos prédécesseurs : quelqu’un qui travaillait sur la question du bruit, par exemple, qui souffrait vraiment du bruit, qui en avait fait son caillou, commence à faire son enquête, et très rapidement s'aperçoit, à sa plus grande surprise, qu’il y a un nombre énorme d'institutions. C'est à Paris par exemple qu’elle pouvait savoir avec beaucoup de précision la quantité de bruit de sa rue, parce qu’il y a des capteurs un peu partout dans Paris. Il y a des institutions qui s'occupent de cette question, il y a des groupes militants qui s'occupent de cette question. Et de fil en aiguille, elle s’est mise à constituer, à partir d’un sujet qui était un sujet de souffrance personnel qui est l'excès de bruit qui l’épuise, elle s’est mise à développer et à décrire, et une fois encore, décrire ça n’est pas simplement froidement et objectivement être distant de la chose que l’on décrit mais c'est au contraire se donner des capacités d’agir. Elle s’est inscrite dans des tas de groupes militants qui travaillent sur le bruit, etc…
Le mot “enquête” et le mot “description” ne veulent pas dire que c’est une analyse à froid. On a beaucoup de peine à faire comprendre ce principe de “Où atterrir ?” parce qu’on nous dit “oui mais décrire ça n'entraîne aucune conséquence politique”, alors que c’est exactement le contraire : plus on décrit avec des détails la situation dans laquelle se trouve le caillou que vous avez choisi, plus on se retrouve des capacités d’action. Voilà le seul point que je voulais signaler en m’excusant encore d’arriver comme ça de l’extérieur sans avoir participé à vos travaux , et je laisse la parole à Vinciane.”
Vinciane Despret : “Bonjour à tous. Je présente non seulement des excuses pour ne pas avoir participé à vos travaux, mais en plus pour avoir fait faux bond, parce que le train qui devait me conduire a refusé de circuler aujourd’hui pour des raisons avec lesquelles je ne peux pas être en désaccord, puisqu’il s’agit d’une grève de la SNCF contre la libéralisation du réseau ferroviaire si j’ai bien suivi ce qu’il est en train de se passer.
Alors, moi je fais des enquêtes comme philosophe avec cet immense avantage : c’est qu’en commençant en tant que philosophe; il n’y avait pas vraiment de codes. Comme j’essaie de faire des enquêtes de terrain, ou en tout cas qui prenne en compte les terrains dont je m’occupe, c'était assez intéressant pour moi parce qu’il n’y avait pas vraiment de codes, puisque je n’étais pas vraiment anthropologue, ni sociologue, ni psychologue, enfin je ne travaillais pas en tant que tel en tout cas, et donc ça voulait dire que chaque enquête, je devais la réinventer.
Personnellement j’ai tenu au mot enquête, j’y ai tenu parce qu’il y avait une sorte de rappel à l'ordre dans l'enquête. Pour moi, le fait de prononcer le mot enquête et de dire “je fais des enquêtes”, d’abord ça me permettait de me dire “je vais devoir inventer ce qu’il y a dedans” en sachant qu’il y a beaucoup d’enquête qui sont faites dans les sciences humaines, mais en même temps ça me rappelait à l'ordre parce que j’avais constaté que je m'adressais souvent à des gens auprès de qui j'enquêtais qui étaient eux-mêmes des enquêteurs. Donc c’était des situations qui étaient biaisées.
Pour mon premier terrain, à l'origine, je voulais observer un ornithologue, mais il ne m'a pas fallu dix minutes de terrain pour comprendre que ça n’avait aucun intérêt d’observer l'ornithologue mais ce qu’il fallait faire c’était observer les oiseaux qu'il observait. Mais ça veut dire que j’avais affaire à un ornithologue qui connaissait bien mieux que moi le domaine dans lequel il exerçait, donc finalement j’enquêtais sur comment lui-même enquêtait. Et donc en fait, je me suis rendu compte que toutes mes enquêtes étaient des enquêtes sur la manière dont les autres enquêtaient et que j’allais essayer de comprendre : mais c’est quoi ce type d'enquête ? Qu’est-ce qu’on apprend ? Qu'est-ce que je peux apprendre sur la façon dont ils enquêtent ? Sur les objets de leurs enquêtes ? J’ai appris énormément de choses sur les oiseaux au moment où j’ai suivi cet ornithologue sur le terrain, parce que je pouvais tout le temps lui poser des questions du style : vous voyez quoi là ? Puis il me regardait un peu surpris parce qu’on était censé regarder tout les deux. Puis il me décrivait ce qu’il voyait et je me rendais compte que ce qu’il décrivait ce n’était pas moi ce que j’avais vu parce que moi j’avais pas vu grand chose, parce que les choses n’étaient pas inscrites dans des schèmes suffisamment théoriques, et je n’avais pas les habitudes, donc j'apprenais à voir avec lui en fait. C’était pour moi une enquête formidable.
Et puis toutes les enquêtes que j’ai faites après, je me suis rendue compte qu’en fait c’était des enquêtes où, par une forme de bienheureuse paresse, que plus je me fiais à la posture d’enquêteur de ceux à qui je m’adressais, moins je devais en faire et plus je pouvais faire confiance. Je vais dire par là que dans une des enquêtes, par exemple, on est allé voir des éleveurs. J’avais déjà fait des enquêtes avec des scientifiques, où j’allais les interroger sur comment est-ce que vous apprenez ? Comment est-ce qu’on apprend à voir ? Comment est-ce qu’on fait une théorie ? Donc ça c’était fait.
Et puis à un moment donné, Jocelyne Porcher qui est une sociologue qui s’occupe des gens qui font de l’élevage, m’avait demandé de venir l'aider pour une enquête qu’elle voulait faire et par rapport à laquelle elle était en assez grande difficulté. La difficulté était la suivante : elle avait de plus en plus le sentiment, au fur et à mesure qu’elle interrogeait des éleveurs, qu’elle les connaissait bien (elle-même avait été éleveuse, en tout cas éleveuse et aussi salariée de l'élevage), elle me dit : j’ai de plus en plus l’impression que quand les gens me racontent des choses, les animaux collaborent au travail, ils sont actifs, ils prennent des initiatives, ils ne sont pas du tout passifs, et que les éleveurs peuvent compter sur eux, surtout dans les élevages plus ou moins dits “pas intensifs”. Dans les élevages intensifs, c’est peut-être justement là que les animaux n’ont aucune possibilité de collaborer parce qu'ils sont tellement contraints. Et elle me dit : quand je pose la question aux éleveurs en leur disant “vos animaux ils collaborent au travail, ils prennent des initiatives, je l’entends etc…”, les éleveurs répondent que non, les animaux ça ne travaillent pas, ce sont les humains qui travaillent. Elle me dit que c’est un peu dommage parce que ce serait intéressant d’avoir cette prise-là pour parler des animaux. Et donc elle me dit : comment est-ce qu’on pourrait bien faire pour les amener à dire que les animaux travaillent ? Ce n’est plus une enquête, c'est une inquisition. C’est intéressant aussi de garder l’idée qu’il fallait faire avouer quelque chose, ou en tout cas demander aux éleveurs qu’ils participent à une idée qu’elle pensait être bonne.
Alors moi je lui dis que dans ces cas-là, la meilleur chose à faire, me semble-t-il, on était dans un terrain de confiance donc on pouvait expérimenter, on n’allait pas chez des ennemis, et donc ça veut dire que si on se casse la figure ou si on se fait mettre à la porte ce n’est pas très grave, on apprendra. Donc je lui ai suggéré qu’on n’allait pas poser la question traditionnelle, du style “est-ce que vous pensez que les animaux travaillent ?”, puisque visiblement ça ne marchait pas, mais qu’on allait partager avec eux notre difficulté en sachant qu’eux-mêmes connaissent tellement bien l'élevage, en tout cas on le supposait.
Et donc plutôt que de poser la question “est-ce que les animaux travaillent, c’est embêtant à dire mais est-ce que vous pouvez le dire quand même ?” J’avais proposé un protocole assez rigoureux, dans la mesure où on devait dire la même chose à chaque fois plus ou moins. Et donc Jocelyne se présentait en disant (on se présentait toutes les deux mais c’est elle qui parlait pour la première question) : “voilà, je viens vous voir en tant qu'éleveur”, on disait éventuellement qui nous avait envoyé ou comment on avait eu leur nom, “et je viens vers vous car depuis que je travaille avec des éleveurs, j’ai remarqué qu’il y a quantité d’anecdotes que j’entends qui me montrent que les animaux collaborent au travail, qu'ils prennent des initiatives, que sans eux on ne pourrait pas travailler aussi facilement. Mais quand je pose la question aux éleveurs, ils disent “ non, ce ne sont pas les animaux qui travaillent, ce sont les humains” Et ça, ça m'embête un peu, qu’est-ce que je fais de toutes ces histoires qu’on m’a raconté ? Alors vous, en tant qu'éleveurs, à votre avis, comment est-ce que je devrais apprendre à poser ma question de telle sorte que les gens puissent m’aider à trouver ce que je cherche ?”
Et Jocelyne avait été très perplexe, en disant “tu poses une question trop compliquée ça ne va pas marcher” : et pas du tout ! Les gens comprenaient très très bien la question et c’était vraiment intéressant parce qu’une fois qu’on leur posait comme ça, et bien les gens se mettaient à réfléchir avec nous et disaient : “Vous avez raison, mais à quels types d’éleveurs voulez-vous adresser votre question ? Parce que si vous avez un éleveur qui a mille vaches ou un éleveur qui a 100 vaches, ce n’est pas la même chose. Vous ne pouvez pas poser la question de la même façon.” Et donc ils nous aidaient vraiment à réfléchir sur quel sens pourrait avoir cette question pour quel type d'éleveur. Et en fait ils nous faisaient tout le paysage de l'élevage qu’ils connaissaient très bien.
J’avais moi-même ma propre question qui était très personnelle, c’est que j'étais tellement énervée à l’époque, dans les années 1990, par tous ces philosophes, ces anthropologues, ces sociologues qui disaient “l’homme au contraire de l’animal”, “l’humain est le seul animal qui… etc.” Ça me rendait tellement malade de la part de gens qui à la rigueur connaissaient peut-être un chien ou un chat et avaient écrasé trois moustiques et deux araignées et qui se permettaient de prendre des positions aussi générales. Et je me disais : mais pourquoi n’a-t-on jamais posé la question aux éleveurs ? A des gens qui connaissent les animaux ? Et puis je me suis rendue compte que cette question, peut-être qu’on ne la posait pas aux éleveurs parce qu’elle n’avait peut-être aucun sens, et qu’il ne fallait donc pas la poser comme ça, et qu’il fallait demander d'abord : est-ce que cette question a du sens pour vous ? Et donc la question que Jocelyne posait, je posais exactement le même modèle de question en disant : “voilà, j’ai lu des sociologues qui m’irritent considérablement, je me demande pourquoi on interroge pas les éleveurs à ce sujet puisque quand même c’est eux qui connaissent, parmi les gens autour de nous, ce sont eux qui connaissent très sérieusement les animaux. Est-ce que c’est une question qui a du sens ? Donc pour vous, en tant qu'éleveur, si on devait vous poser la question, comment est-ce qu’on devrait vous la poser ?”
Et de nouveau, les éleveurs recommençaient à élaborer avec nous, et ce qui était vraiment intéressant, c’est qu’une fois qu’il avait élaboré les conditions dans lesquelles cette question pouvait être posée, ils y répondaient eux-mêmes. Et ils disaient “bon, maintenant que vous le dites, peut-être qu’en effet”. Et donc eux-mêmes devenaient extrêmement coopératifs par rapport aux fait de nous aider. Ce qu’il y a d'intéressant aussi, c’est qu’il y avait parfois des éleveurs qui disaient : “vous faites comme si vous faisiez une pré-enquête mais c’est votre enquête en fait ? Est-ce qu’il y a un moment où vous allez vraiment commencer ?” Et on leur disait la vérité, que non c’était la pré-enquête qui nous intéresse. Moi, je me suis rendue compte que pour la plupart de mes enquêtes, c’est la pré-enquête qui a fini par être tout le temps le moment de l’enquête. C'est-à-dire que je ne fais plus d’enquêtes, je fais des pré-enquêtes. Dans la plupart de mes dispositifs, c’est plutôt : je prépare le moment où je vais commencer à essayer de savoir mais cette préparation est généralement tellement riche et tellement intéressante et tellement plus facile pour moi, parce que ce sont les gens qui font le travail.
Et puis il y avait des éleveurs qui entendaient bien ce que je disais, il y en a un qui m’a dit un jour : “dis donc, vous quand même, vous poussez le bouchon un peu loin, normalement c’est votre boulot de poser des questions et nous d’y répondre, et vous, vous nous demandez qu’en plus on fasse le travail à votre place, qu’on fasse et les questions et les réponses”. C’était très intéressant parce que c’était un éleveur bio qui venait de me raconter, au début de l’entretien, que son travail était beaucoup plus facile depuis qu’il pouvait compter sur ses vaches qui revenaient d’elle-même au robot de traite à la ferme, elles faisaient le trajet à pieds depuis les champs et elle revenait à l’heure, et qu’il avait donc délégué un maximum de travail à ses vaches. J’ai dit : “mais vous venez de me dire que c’est comme ça que vous faisiez avec vos vaches, je vois pas pourquoi je ne ferai pas ça avec mes enquêtes, c'est quand même plus intéressant”. On a toujours été super bien reçu et ce qui se produisait a été tellement intéressant. J’ai trouvé que c’était tellement plus intéressant que si j’avais fait une enquête traditionnelle.
Pour les enquêtes suivantes, j’ai continué dans les pré-enquêtes, toujours : sortir de la pré-enquête aurait probablement été une catastrophe, et il m’a semblé que la pré-enquête était le terme juste. Je n’ai jamais posé de questions dans cette pré-enquête. Le fait de dire sur quoi je travaillais suscitait de tels désirs de collaboration chez les gens que je n'ai jamais dû poser de question, ce qui était une bonne chose, parce qu’il y a des questions qui aurait été extrêmement pas bonnes à poser : demander aux gens s'ils ont des contacts avec leurs morts ? Vous allez les affoler car ils vont se dire : “ça y est, on a encore quelqu’un qui va venir juger qu’on est des irrationnels.” Il vaut mieux ne pas poser de questions dans ces cas là et juste demander aux gens : voilà mon sujet, est-ce qu’il y a quelque chose qui vous parle là-dedans ? C'est pas comme ça que je le disais, je disais simplement “voilà ce sur quoi je travaille”, ça suffisait amplement à susciter des désirs de collaboration. Parce que ça je crois que c’est quelque chose d'assez surprenant, le désir de collaboration quand on fait une recherche est extrêmement puissant chez beaucoup de gens. Voilà j’ai terminé.”
Bruno Latour : “Je crois que Vinciane a introduit un élément essentiel qui est celui de ne pas avoir peur de partager ses incertitudes avec ceux que l’on va rencontrer du fait du début de l’enquête ; sachant que la position est quand même assez différente, parce que dans ses enquêtes, c’est elle qui est, en quelque sorte, la philosophe de terrain, alors que dans la procédure “Où atterrir ?”, on est bien sur le terrain effectivement, mais c'est le terrain, en quelque sorte, qui pose des questions et qui va peut être rencontrer, au cours de ces questions, des experts de diverses combinaisons de savoir-faire.
Par exemple, si on part d'une question comme celle des coupes-rases de forêts, on va aussitôt rencontrer d’abord des gens peut-être assez violemment préparés à répondre à cette question. On va se heurter à des controverses, déjà en quelques sortes cadrées, et qui rendent difficile peut-être de s'enquérir. Mais aussi, on va tomber sur des masses de données produites par des services de l’Etat, par les syndicats, par les syndicats forestiers, peut-être par les militants chargés de cette cause. Et donc le problème dans la procédure “Où atterrir ?” c’est : qu’est-ce qu’on fait de toute cette masse de connaissances dont on ne connaissait pas forcément la présence, mais qui vous tombe dessus au fur et à mesure qu’on avance dans l’enquête ? Ce qui est une question assez différente de celle que posait Vinciane mais que vous allez forcément rencontrer. Si je prends le cas des forêts, ce sont des sujets hautement controversés, et ce sont des sujets où il y a des masses de données : donc comment ne pas se faire noyer dans ces données ? C’est un problème classique des enquêtes, mais encore une fois, il n’est pas question de vous transformer en sociologue, géographe, etc. (...)
Les quelques points où il y a des connaissances intéressantes qui peuvent vous permettre d'avoir des prises sur cette affaire et éventuellement, comme je le disais tout à l’heure pour le cas du bruit, de participer à des activités, avec des activistes même qui travaillent sur ces questions. Il ne faut pas être trop intimidé par le mot enquête, et il ne faut pas se dire que c’est une thèse de troisième cycle, ni un ouvrage : c’est une collecte, c'est-à-dire amasser un petits nombre d'éléments qui permettent de repérer comment le souci dont on est parti, le caillou, ce fameux caillou, est susceptible d’être partagé par d'autres gens. Et c'est là que l'argument de Vinciane est très important parce qu’il peut parfaitement se trouver que quand on commence ce genre d'enquête, on tombe sur des gens qui ont les mêmes préoccupations que vous. Et donc la solution que proposait Vinciane tout à l’heure, c’est-à-dire, non pas : qu'est ce que vous pensez de la question, mais est-ce que vous partagez vous et mois cette même inquiétude ? Par exemple sur les forêts, etc… C'est un assez bon moyen d’augmenter l’enquête. Ceci dit, il y a plein de portes qui sont aussi fermées, parce qu’il y a plein d’informations qui sont difficiles d’accès, interdites, mais on ne vous demande pas de risquer votre vie à trouver des informations interdites. Il faut juste pouvoir savoir que là il y a des sources d'informations, mais on ne vous les partage pas : voilà, c’est une description de la situation. Ou c’est d’une complexité telle que je ne vais pas passer un doctorat de troisième cycle ou une thèse d’Etat pour la franchir, mais je sais qu’il y a là des bouts de connaissances très importantes. C’est le cas par exemple des sujets médicaux, on vous demande pas brusquement de devenir médecin : vous savez qu'il y a des sujets très importants, c’est un repérage des sources d'information, de leurs différences, de leurs difficultés, et ce n’est pas plus que ça. Mais ça nourrit, ça charge de capacités d’action au fur et à mesure qu’on s'aperçoit qu’il y a plein d’autres personnes, plein d’autres sources de connaissances qui sont en quelque sorte accrochées à ce sujet de préoccupation que vous avez choisi de suivre. Je crois que c’est ça le point important. (...)
Je prends un exemple précédent, très minuscule, mais les exemples minuscules sont toujours intéressants. Et la personne qui participait aux ateliers “Où atterrir ?” commence à déployer cette situation : d’où vient la station [de lavage auto qui déverse ses eaux usées dans la rivière] ? Pourquoi est-ce qu'elle est là ? Pourquoi est-ce qu'elle n'obéit pas à la réglementation ? Et commence à ce moment-là la question de qui ? Quel collectif peut commencer, non pas simplement à décrire la situation avec la froideur qu’on associe au mot description, mais de modifier la situation, ce qui veut dire aller voir le maire, le maire n’est pas forcément sympa, pas forcément préparé. Donc comment est-ce qu’on va voir le maire ? Sous quelle forme ? Et on glisse très rapidement de la description par l’enquête à ce qu’on appelle la doléance, c'est-à-dire l’organisation d’un petit collectif qui essaie de modifier la situation de départ qui nous paraissait choquante, douloureuse, inquiétante, néfaste.
Et c'est pour ça que le mot enquête, il faut le sortir de son sens, disons pour prendre un mot savant, épistémologique. Il n’appartient pas simplement au vocabulaire de la connaissance, il appartient au vocabulaire de l'action. Je rappelle, pour revenir au premier principe, que lorsque les cahiers de doléance ont été écrits en 1789 par tous les villages de France, la partie de description de la situation, du paysage et des conditions de vie des paysans qui signaient la déclaration de doléance était souvent très riche. Et c’est parce qu’ils avaient décrit la douleur, la complexité, les difficultés de la situation dans laquelle se trouvait leur village qu’ils étaient capable de faire une doléance. Donc il faut absolument détacher le mot description et le mot enquête parce que souvent, au sens tout à fait classique, en sciences sociales, comme en géographie, etc, faire une enquête, ce sont des gens qui viennent de l’extérieur, qui accumulent plein d’informations, et qui transportent cette information quelque part, soit pour faire une thèse, soit pour faire un article savant, soit pour une administration, soit pour un think tank, soit pour une boite de consultant.
Or là ce n’est pas du tout la situation, la situation est exactement inverse : ce sont des citoyens-experts qui partent de leur souci, qui l'étendent pas la description et l’enquête, et qui constitue un début, un prototype de ce qu’est une doléance. Je ne sais pas si ça clarifie la situation. C’est un peu différent ce dont parlait Vinciane, forcément, sauf sur un point qui est qu’on s'aperçoit que très souvent, ceux qu’on interroge partagent un certain nombre de soucis et peuvent être éventuellement mobilisés dans la question que l’on pose. Ça peut être très minimal : je vous file des informations, mais ça peut être très importants en disant “oui vous avez raison, allez-y continuer.”
Vinciane Despret : “Oui, tout à fait d’accord avec Bruno. C’est que moi, en principe, j’étais pas là ni pour faire des doléances ni rien, j’étais juste là parce qu’une question m’intéressait, donc c’était pas distant, elle m'intéressait pour des raisons personnelles très souvent, que ce soit des oiseaux ou des morts, ça m'intéressait.
Mais c’est vrai que ce que Bruno, c’est que par moment, en effet, les gens étaient très intéressés parce qu’il avait le sentiment que le fait de participer aux échanges ou à ces procédures de mise en visibilité de ce qu’ils me racontaient allait pouvoir modifier quelque chose. Ça c’était un point intéressant, tant pour l’enquête avec les morts ou les gens disaient “mais tout ça on ne peut pas en parler, etc”, donc ça veut dire que si on peut commencer à en parler, c’est déjà quelque chose. Ou bien quand j’ai fait une enquête dans les camps de réfugiés pendant la guerre en ex-Yougoslavie, où les gens étaient extrêmement intéressés de partager, de connaître ce qui était un peu oublié : la condition des réfugiés était quand même quelque chose d’oublié.
Et puis je viens de penser, au moment où Bruno parlait, d’un type d’enquête auquel je me suis intéressé dernièrement mais juste à titre amical. Il y a un livre qui est sorti il y a quelques mois d’Antoine Chopot et Léna Balaud, “Nous ne sommes pas seuls”, je ne sais pas si tu as pu le lire Bruno.
C’est toute une recherche sur comment est-ce qu’on fait des alliances avec des non-humains, comment est-ce qu’on constitue des alliances avec des non-humains. Par exemple, comment est-ce que les paysannes argentines, dans leur lutte contre Monsanto et contre le soja transgénique, font alliance avec des amarantes ? Les amarantes, c’est une plante qui est une véritable peste pour une industrie comme Monsanto, parce que les amarantes ont ceci de particulier : elles ont piqué, se sont appropriés des gènes de soja transgénique qui résistent aux pesticides, et ils sont maintenant envahi d’amarantes et ne peuvent rien faire contre. Les paysannes ont vu la présence des amarantes “pas à leur place” comme une analogie avec leur propre présence et en ont fait un terrain d’action parce qu’elles ont créé des bombes, ce qu’on appelle les “seeds bomb” (des mottes de terre d’argile avec des graines dedans), et elles ont mis des graines d'amarantes dedans en faisant confiance aux amarantes pour continuer à pourrir la vie de Monsanto et de foutre les champs en l’air. Ils arrivent maintenant à faire que 80% des champs de récolte soient complètement foutus, dû à la présence des amarantes ; alors que pour eux les amarantes sont comestibles, donc ça ne les met même pas en danger, c’est une vraie alliance.
Ce sont donc Antoine Chopot et Léna Balaud qui avaient mis quelques exemples d’alliances possibles, et on est allé au marais Wiels, un endroit à Bruxelles qui est menacé par des promoteurs immobiliers. En fait, on remarque que dans beaucoup d’endroits, il y a de vraies enquêtes qui sont menées par les gens eux-mêmes qui sont intéressés à garder le site sans assignation immobilière, et qu’ils font des enquêtes sur qui vit là. Il faut chercher qui vit là. Pourquoi ? Parce que si vous pouvez détecter certaines espèces en voie d’extension ou en danger, vous pouvez à ce moment-là contrer les projets d’urbanisation et protéger le site. Mais ça demande des enquêtes très fines, parce que parfois, un animal est là cette année-ci, mais il faut être sûr qu’il revienne l'année prochaine : donc comment est-ce qu’on va favoriser son retour ? Mais sa présence de trois mois ce n’est peut-être pas suffisant, peut-être qu’il en faut un deuxième ? On cherche des forces et des alliés, et ces gens deviennent de vrais enquêteurs avec les deux naturalistes évidemment, pour essayer de déterminer qui vont être nos alliés sur ce terrain pour empêcher tous les projets. Et je trouve que ce sont aussi des enquêtes sont très intéressantes parce qu’elles ne sont pas du tout à froid, ce ne sont pas du tout des professionnels mais ils apprennent, ils vont trouver les personnes ressources ils vont chercher qui connait un peu, ils vont apprendre ce qu’il faut faire pour connaître et je trouve que c’est des cas extrêmement intéressants.”
Bruno Latour : “Il faut savoir qu’en général, la règle générale, c’est que les gens adorent être interrogés. Je dis ça pour que les participants ne soient pas intimidés par la notion d’enquête. Il ne faut pas avoir peur, Vinciane a raison.
D’abord, au début, c’est peut-être toujours un peu difficile, il y a toujours des moments un petit peu compliqués : “de quoi vous mêlez-vous ?” Et très vite, les gens se mettent à parler des heures.
La règle, dans mes propres recherches, ça a toujours été qu'une interview qui était prévue pour une heure, on passe trois heures avec les gens qu’on interroge. Il ne faut pas du tout avoir peur de cette situation bizarre d’enquêter. Vous êtes des citoyens-experts, vous rencontrez d’autres experts, et il peut se faire un échange disons d’égal à égal, alors même que les informations sont évidemment très différentes.”
Vinciane Despret : “Je suis tout à fait d’accord avec Bruno : “est-ce que vous pouvez m’aider ?” est une formule qui est vraiment un sésame.
Je veux dire que pour moi une enquête c’est ça : c’est demander aux gens de m’aider à savoir quelque chose ou à faire un état des lieux, c’est assez extraordinaire ! Et les gens sont extrêmement détendus par rapport à ce type de propositions, c’est vrai ce que Bruno dit, parce que non seulement ils collaborent, mais quand je propose “est-ce que vous avez envie de m’aider, est-ce que vous pouvez m’aider, ou m’éclairer sur cette question”, c’est vraiment quelque chose sur lequel les gens sont extrêmements gentils et bienveillants, et c’est parfois même très comique.
Je me souviens qu’une des personnes que j’ai interviewée, avec lesquelles on enquêtait avec Jocelyne, a commencé par un très drôle de truc, j’avais jamais vu ça : il s’est assis en face de nous, c’est un éleveur, on ne le connaissait pas, on avait eu son nom par quelqu’un d’autre. Il a pris son petit carnet, et il a commencé à me dire “bon, qui êtes-vous ?” Et pendant une demi-heure il nous a interrogés sur nous. On a répondu très gentiment, et puis après il a dit “ça va, c’est à vous”, et on a pu commencer à poser nos questions. Mais on a eu une demi-heure où il demandait quels étaient nos intérêts, pourquoi on faisait ce qu’on faisait, pourquoi on était là etc. Et on a pris le temps et ça valait vraiment la peine, mais c’était une situation complètement inversée où il nous interrogeait.
Suite à cette enquête, on a écrit le livre “être bête” ensemble, qui est publié chez Actes Sud en 2007, où on explique au dernier chapitre notre méthodologie, l’intérêt qu’elle a eu, comment est-ce qu’on voyait que ça mettait les gens au travail de leur poser non pas une question, mais de leur demander de nous aider à formuler nos questions.”
Question : “Est-ce que vous pourriez préciser la finalité de ce que nous sommes en train de faire les uns les autres ? J’imagine bien évidemment que c’est rendre une responsabilité, une façon d’agir à tous les citoyens que nous sommes, en tout cas c’est ce que je vois et ce que je comprends dans cette façon de faire, et que je voudrais que vous me confirmiez. Et ensuite merci à Vinciane de confirmer que chacun peut être expert en son domaine, et que l'éleveur il a des choses à te dire, et je crois que ça c’est très fort parce qu”on le voit les uns les autres, quand on côtoie des professionnels, que le petit a souvent des choses à dire, il a son expérience et qu’aller la chercher c’est extrêmement fort. Bref, on est là pour réveiller les consciences et l’autonomie de chacun, le pouvoir d’agir de chacun, c’est bien ça ?”
Bruno Latour : “C’est toujours le problème avec le mot enquête : si on prend le sens que ça a dans les sciences sociales ou dans les études scientifiques, une fois l’enquête faite c’est fini ! C’est-à-dire que le but est l’enquête.
Là, l’enquête est un moyen pour aller plus loin, et le plus loin tel que nous le définissons dans le projet “Où atterrir ?” c’est bien ce que nous appelons “doléance”, sachant que la doléance n’est pas ce que le groupe que vous constituez en ce moment, ou les groupes que vous constituez en ce moment peuvent exprimer, puisque par définition une doléance va être quelque chose qui ressemble à un début d’organisation politique, mais ce que beaucoup d’entre vous feront après les ateliers “Où atterrir ?” chacun dans son domaine.
L’idée est bien de lier l’enquête à quelque chose qui ressemble à une mobilisation disons, au sens tout à fait banal. Simplement, comme on le verra peut-être demain matin, c’est une mobilisation assez particulière parce qu’elle a justement fait l’enquête, et donc repéré les différents éléments et rendu réaliste, en quelque sorte, les propositions (issues de) la souffrance personnelle et qui s’adresserait à des entités, à des êtres, c’est souvent l’État d’ailleurs en France, qui sont décrits de manière très peu réaliste.
C’est ça qui est intéressant, mais le point fondamental c’est que pour nous, l’enquête est un moyen et pas la fin. Si on était dans un cours de sciences sociales, évidemment ce serait la fin : on rendrait un rapport, on rendrait un article, on rendrait une thèse, peu importe. Mais là c’est pas du tout ça, c’est pour ça que le niveau de ce que nous attendons des enquêtes n’est pas du tout la même chose : c’est une exploration des points qui permettent de rendre réaliste, plus réaliste disons, ce qui commence par un souci et qui permet, d’après notre expérience, et c’est ce que nous espérons, qu’à chaque fois que s’ajoute un élément dans la liste des êtres que l’enquête révèle, se constitue aussi une capacité d’action, c’est-à-dire que plus il y a d’être repérés grâce à l'enquête, plus la capacité d’action devient réaliste, disons. J’espère que je réponds à votre question Madame.”
Question : “J’ai une question qui me travaille depuis le début du travail qu’on fait ici. Quand on travaille sur notre boussole et qu’on travaille sur les différentes entités qu’on a identifiées, dans les étiquettes entre alliés et ennemis, moi j’ai un peu de mal avec le terme “ennemi”, ou en tout cas je ne le réserve qu’à certains ennemis qu’on pourrait considérer comme irréductibles. Je préfèrerais parler la plupart du temps d’”adversaires”, car ce n’est pas quelque chose d’irréversible , ça peut être à un moment donné un allié dans certaines circonstances. Je ne sais pas si dans votre protocole, votre démarche, vous avez prévu de faire cette distinction entre ennemis et adversaires ?”
Bruno Latour : “Oui, évidemment, adversaire est un très bon terme, qu’on peut substituer facilement. Le fait d’avoir “ennemi”, je crois qu’on peut l’oublier là, mais ça dépend, disons, d’un argument de philosophie politique qui est peut-être tout à fait parasite par rapport à nos discussions. Cette discussion nous entraînerait trop loin je pense ; “adversaire” est parfait ! Prenons adversaire, pour le moment en tout cas, et laissons ennemi de côté.
Ami-ennemi est une définition qui vient d’une philosophie politique qui est peut-être plus pertinente quand on commence à parler de paix et de guerre. Mais c’est peu probable que dans les enquêtes que vous êtes en train de faire, on soit dans ce genre de situation. Ceci dit, les évènements récents nous rappellent que la question de la paix et de la guerre n’est pas aussi éloignée qu’on le croyait encore il y a un mois. Et ami-ennemi a un sens, sachant qu’ennemi, même dans la théorie politique, et Monsieur le dit très justement, peut être un allié aussi.
Faisons le point : quand on a des adversaires et des alliés, on est au fond dans un “on a des choses en commun”. Avec amis et ennemis, le problème est qu’on n’est pas sûr d’avoir des choses en commun. Et donc la dispute va beaucoup plus loin, car c’est une dispute sur “est-ce qu’il existe un monde commun, qui va nous permettre de partager nos positions, éventuellement de nous allier, de faire des compromis ?” etc. A ce moment-là, la notion d’ennemi a un sens, pas du tout parce que l’ennemi est détestable, méprisable etc, mais simplement parce qu’il n’y a pas de monde commun pour arbitrer entre les deux côtés. C’est ça que veut dire ami-ennemi. Adversaire, opposant, finalement, on considère toujours qu’on peut s'entendre, se mettre autour d’une table et discuter. Ami-ennemi, c’est plus dur. C’est un point plus extrême, disons, du dissensus.”
Question : “J’ai un problème avec la définition des entités, parce que de mon côté, c’est plus des questions à chaque fois d’environnement et de systèmes : dans tel environnement c’est négatif, dans tel environnement c’est positif, et ça peut être déclenché par la même personne en fait. Et ça ne dépend pas d’une personne ou d’une institution : ça dépend dans quel cadre ça se passe. Pour moi, ça complique d’identifier qu’est-ce qui menace et qu’est-ce qui maintient, parce que souvent ce qui menace est surtout un contexte. Par exemple, si on prend un bailleur social. Il peut maintenir car il donne accès à des logements à loyer modéré. Mais par exemple, ça menace quand ça utilise les artistes pour gentrifier un quartier. Donc, la même entité se retrouve menaçante et dans le maintien, et pour moi c’est compliqué de circonscrire ce que maintient et ce qui menace quand c’est la même entité.”
Bruno Latour : “C’est que ce n’est pas la même entité ! Il faut appliquer les règles de description quand on fait la procédure d’écriture : le bailleur positif et le bailleur négatif, dans une boussole, ce sont deux personnes différentes. Donc le mot entité ne désigne aucunement une unité. On a utilisé “entité” simplement pour embêter tout le monde, par un terme qui ne veut absolument rien dire, c’est ça l’avantage.
“Entité” ce n’est pas des acteurs, ça permet de parler aussi bien d’une institution, que d’un chat, que d’une rivière, du capitalisme, de n’importe quoi. Mais c’est dans le travail d’écriture et de boussole que se rend précis ce que c’est que l’entité en question. Si le bailleur social est dans un cas favorable et dans un autre cas défavorable, il faut considérer qu’il y a deux entités, il faut le couper en deux autrement dit ! Et essayer de comprendre, d’ailleurs, pourquoi est-ce qu’il est capable de faire à la fois menace et bienfait. Donc là, ce sont des problèmes de description, il ne faut pas du tout s’attacher au mot “entité”, qui désigne n’importe quoi, à condition qu’on l’ait décrit par son action. A partir du moment où on décrit quelque chose par son action négative, ça rentre dans la boussole, et c’est l’avantage de la boussole, l’entité est représentée par un personnage, donc on va avoir un personnage bailleur social négatif, bailleur social positif. Ce sont des principes de descriptions simples, et vous avez raison de poser la question.”
8 — pause déjeuner
> 1h30
9 — programme de l'après-midi
> 2 min animé par Maëliss Le Bricon
On se met deux par deux et on lit, chacun.e notre tour, la description oligoptique de l’entité choisie. L’un.e décrit, l’autre écoute, puis on inverse les rôles.
10 — geste-son
> 5 min animé par Valérie Philippin
On fait un tour rapide de geste-son qui fait le tour du cercle : on fait un son plein avec un geste.
11 — ronde des concernements
> 15 min animé par Maëliss Le Bricon, Loïc Chabrier et Marion Albert
Tout le monde prend 5 secondes pour nommer pour soi son concernement, tel qu’il/elle le définit aujourd’hui. On commence la collecte pour créer un paysage avec tous les concernements des personnes présentes.
« Lisez exactement ce que vous avez écrit sur votre papier dans la demi-heure d’avant ». C’est ce que Soheil nous a donné comme consigne. Et quand il dit « lire exactement » ce n’est pas commenter, broder, faire un discours, haranguer la foule. « Ce que vous avez écrit, vous le lisez. Point ». S’il y a marqué « planète bleue », c’est « planète bleue ».
+ La musique de Soul Alphabet commence.
+ Chacun.e part du haut de la boussole et vient au centre pour annoncer à haute voix “Je m’appelle… j’habite à… et mon concernement c’est…”.
Loïc et Marion notent en même temps chaque concernement, qui s’ajoute sur l’écran projeté. Si les participant.es remarquent une erreur ou une coquille, ils/elles vont voir les scribes pour la corriger.
+ Les participant.es se relaient les un.es après les autres comme un flow, sans interruption.
La collecte des concernements :
- Les loisirs sociables à proximité de chez moi à Talence Suzon - Construire sans détruire - Ma joie intérieure dans l’expérience du vivant - Le temps qui passe - Mon job à Bordeaux - La communication, la vie simple, la numérisation - La pédagogie créative au lycée et au collège dans l’éducation nationale - Comment habiter mon utérus en cohabitation avec l’endométriose - Avoir du temps pour penser - L’aptitude du citoyen à accéder à l’information sur l’eau potable et sa capacité à agir dans ce domaine - Ma capacité à interagir avec des entités invisibles - Ne pas identifier mon concernement - Les relations humaines et la communication non-violente - Une nourriture saine et gratuite et durable pour toutes et tous, dans la confiance, sans avoir à justifier de ses revenus, à Bordeaux, à moins de 300 mètres de son lieu de vie et/ou d’activité - La considération de la recherche artistique sur Bordeaux métropole - La capacité à essayer de s’excentrer - Mon bien être et mon confort - La décolonisation des corps des femmes atteintes d’endométriose - Comment interroger notre société pour avoir des rapports familiaux et extra familiaux pacifiés dans notre société - La gestion des espaces verts sur mon lieu de résidence / La protection des arbres et des oiseaux et des plantes sur mon lieu de résidence - L’impact positif ou le non-impact des êtres humains sur les animaux sauvages de Tresses - L’affirmation de moi-même en confiance - La campagne qui ne serait pas massacrée par des murs et des clôtures en parpaings et des sols imperméabilisés - L’avenir de mon fils - Ma liberté d’expression et celle de ne pas contrôler, ni trier les personnes dans le cadre de mon travail - L’immersion partagée dans la nature - Garantir une mobilité collective, accessible, à un prix décent ici et à travers les frontières : se relier plutôt qu’accélérer - Transformer les bâtiments existants pour les habiter collectivement - La relation au vivant, aux vivants dans mon quartier - Pour un droit à une dépollution électromagnétique pour un habitat sain - Avoir des relations chaleureuses et vivantes dans le cadre de mon travail avec mes collègues, mes élèves et dans mon quartier - Cohabitat écohabitat - La préservation de l’arbre en milieu urbain - La fraternité - Le respect de la personne chez celles et ceux qui ont de l’endométriose - Comment notre société rejette l’invisible et les liens invisibles - Trouver un habitat dans lequel je me sens bien - Le partage des décisions pour co construire demain et notamment dans les institutions - Être en sécurité dans les monts d’Ambazac durant les périodes de chasse - La préservation de la et de ma santé mentale - Mon indépendance vis-à-vis de ma famille, mon père, ma mère, mon frère, ma soeur, mon beau-frère.
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Une fois que la collecte est terminée, les artistes-médiateur.rices prennent le temps de relire chaque concernement à haute voix. Si besoin, les participant.es modifient / affinent / complètent la formulation de leur concernement.
12 — temps d'écriture du questionnaire et cartographie de la boussole
> 45 min animé par Maëliss Le Bricon et Loïc Chabrier
Chacun.e prend un temps pour mettre à jour sa boussole : modifier la position de certaines entités ou en ajouter de nouvelles si besoin. Ensuite, on approfondit l’auto-description des entités au moyen de cartes actions.
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Chacun.e remplit une carte pour chaque entité et décrit précisément les actions de chaque entité qui menacent ou maintiennent le concernement. On note en bas de la carte les sources qui nous ont permis.es d’avoir accès à cette information.
13 — boussole vivante
> 1h30 min animé par Chloé Latour, Maëliss Le Bricon et Loïc Chabrier
La règle d’or : on ne donne jamais son opinion, on ne discute pas, on ne commente pas, on ne rebondit pas.
Un.e citoyen.ne-expert.e se place au centre de la boussole avec sa boussole papier, et commence par lire son concernement suivi de sa deuxième réponse au questionnaire : pouvez-vous décrire précisément en quelques lignes en quoi la présence de cet élément vous est indispensable ?
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Le/la citoyen.ne-expert.e appelle chaque entité de sa boussole en commençant par les menaces, et en finissant par les allié.es. Dès qu’un.e participant.e entend une entité qu’il/elle a envie d’incarner, il/elle entre dans la boussole. Le/la citoyen.ne-expert.e le/la place et décrit précisément l’action de l’entité : ce qu’elle fait qui maintient ou menace le concernement.
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Le/la citoyen.ne-expert.e lit la carte-action correspondant à l’entité pour que le/la participant.e puisse l’incarner dans la boussole et lui donne une forme. Si elle/il ne dispose pas de la carte-action, le/la citoyen.ne-expert.e lui décrit précisément l’action de l’entité, sans commenter et sans donner son opinion.
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Au fur et à mesure que les participant.es se placent sur la boussole, un.e scribe saisit et projette en même temps la boussole en version numérique sur un écran.
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Les autres participant.es continuent à venir incarner les entités nommées jusqu’à ce que tout le groupe peuple la boussole ou qu’il n’y ai plus d’entité à placer.
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Une fois que tous.tes les participant.es sont placé.es, chacun.e propose une sculpture vivante qui représente l’action de l’entité qu’il/elle incarne.
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Enfin, la pièce manquante : le concernement. Le/la citoyen.ne-expert.e propose une sculpture vivante du concernement au centre de la boussole et lance la sonosphère du terrain de vie qui se compose avec tous.tes les participant.es de la boussole.
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La sonosphère trouve sa résolution et se termine sans que l’artiste-médiateur intervienne.
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Le/la citoyen.ne-expert.e laisse la place à un.e autre citoyen.ne-expert.e qui active sa boussole vivante à son tour.
Les objectifs de l'exercice, extrait du rapport d'activité du projet-pilote mené par le Consortium "Où atterrir ?" dirigé par Bruno Latour en 2019-2021.
10 : Extrait du rapport d'activité du projet-pilote mené par le Consortium "Où atterrir ?" dirigé par Bruno Latour en 2019-2021.
Ces exercices ont été crée et animé par Chloé Latour de S-Composition.
11 : Extrait du rapport d'activité du projet-pilote mené par le Consortium "Où atterrir ?" dirigé par Bruno Latour en 2019-2021.
Ces exercices ont été crée et animé par Chloé Latour de S-Composition.
Réponses aux objections, extrait du rapport d'activité du projet-pilote mené par le Consortium "Où atterrir ?" dirigé par Bruno Latour en 2019-2021.